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La déspécialisation dans les baux commerciaux : liberté et limites​

Place Masséna Jean Médecin Nice

La déspécialisation, un terme qui résonne fréquemment dans le monde des baux commerciaux, suscite à la fois curiosité et inquiétude. Mais que se cache-t-il derrière ce concept juridique complexe ? Comment affecte-t-il les bailleurs et les locataires ? Notre article vous éclaire sur cette question cruciale qui peut redéfinir le visage des activités commerciales dans les locaux loués et comment la loi encadre les évolutions d’activité dans le domaine des baux commerciaux.

L’activité ou destination et la déspécialisation

L’activité exploitée par le locataire dans les locaux loués au titre d’un bail commercial est spécifiquement visée dans le contrat de location et le locataire ne peut pas exercer une autre activité. L’utilisation des lieux va être tributaire de ce qui a été prévu au contrat de bail. La destination du bail est définie et encadrée, le locataire ne peut pas aller au-delà des limites de ces droits. Il arrive que le locataire souhaite modifier son activité : il doit alors effectuer une demande de déspécialisation auprès du bailleur. 

Le législateur à vu la difficulté que pouvait engendrer la déspécialisation et à apporter deux réponses : La déspécialisation partielle et la déspécialisation totale.

Demande de déspécialisation partielle

Dans ce cas, le locataire souhaite exercer une activité connexe à celle qu’il est autorisé à exercer, telle que, par exemple, la vente de chaussures en complément à son activité de cordonnerie. Le locataire devra alors formuler sa demande au bailleur par acte d’huissier

Le bailleur disposera d’un délai de 2 mois pour répondre, faute de quoi il sera réputé consentir à la déspécialisation partielle. Le bailleur ne peut refuser la demande que si la nouvelle activité n’est pas connexe à l’activité autorisée dans le bail commercial. Il peut alors y avoir un conflit entre le locataire et le bailleur sur la question de savoir si l’activité considérée est réellement connexe ou complémentaire à celle prévue dans le bail. 

Un tel litige pourra être tranché par le juge. L’article L. 145-47 du Code de Commerce fait part des intérêts en présence : Étant donné que le changement apporté par une déspécialisation partielle est modeste et qu’il est justifié par des raisons et enjeux économiques, la volonté du locataire va primer sur la volonté du bailleur. Le locataire à le droit de mettre en œuvre une déspécialisation partielle. Il peut changer la configuration des lieux tant que cela reste secondaire, c’est une règle d’ordre public. 

En théorie le bailleur ne pourra pas s’y opposer (si une clause tente de s’y opposer dans le bail, celle-ci sera réputée non écrite). Ainsi, le locataire souhaitant ajouter des activités, a le droit de le faire, à condition que celles-ci restent secondaires et connexes. Il ne peut y avoir un changement radical d’activité, néanmoins le bailleur doit quand même en être informé. 

Cette notification de déspécialisation partielle doit être faite au préalable et doit lui être avertie par acte d’huissier ou lettre recommandée. Le bailleur dispose d’un délai de 2 mois pour contester la qualification de la déspécialisation, si la déspécialisation est considérée comme totale le bailleur pourra de plein droit la refuser. 

Si le locataire met en œuvre son projet sans attendre l’expiration du délai de 2 mois, alors même qu’il s’agit d’une déspécialisation partielle, le bail pourra être résolu pour faute, et à ces torts. 

Exemple de jurisprudences : Le fait pour une boulangerie-pâtisserie, d’effectuer une vente de sandwichs sera considéré comme connexe ou complémentaire à l’activité de base, qu’est la vente de pains et de pâtisseries. (3ème Civ, 3 avril 1996, Pigne c/ Taunais) : la vente de sandwichs et de boissons rafraîchissantes entre dans l’activité de boulangerie-pâtisserie. 

En revanche, (Com 18 juin 2000), l’activité de pizzeria, impliquant une cuisson, ne peut être une activité connexe à celle de restauration sous forme de saladerie sandwicherie, laquelle ne nécessite pas de cuisson, dès lors que les termes de la convention de bail ne permettaient pas une telle adjonction d’activité.

Demande de déspécialisation totale ou plénière

L’article L145-48 dispose que : « Le locataire peut, sur sa demande, être autorisé à exercer dans les lieux loués une ou plusieurs activités différentes de celles prévues au bail, eu égard à la conjoncture économique et aux nécessités de l’organisation rationnelle de la distribution, lorsque ces activités sont compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier ». Dans ce cas, le locataire sollicite un changement total d’activité, sans rapport avec l’activité autorisée dans le bail. Il peut prétendre à cette déspécialisation totale dans les cas suivants : Il doit être dans la nécessité économique de changer d’activité, pour que son exploitation soit rentable, en plus d’apporter au consommateur un service dont il ne bénéficiait pas suffisamment. 

Il doit établir que l’activité sollicitée est compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble. Le locataire effectue cette demande au bailleur par acte d’huissier, mais également aux créanciers du fonds de commerce. Le bailleur dispose ici d’un délai de 3 mois pour répondre, son silence valant acceptation. Il pourra s’opposer à cette demande de déspécialisation totale ou plénière en cas de motif grave et légitime, intérêt personnel ou s’il exerce son droit de reprise des locaux.

 À noter : dans les deux cas, la déspécialisation pourrait donner le droit au bailleur de demander une indemnité de déspécialisation pour compenser un éventuel préjudice qu’il lui appartiendra de prouver. Il pourra aussi solliciter, pour autant qu’il le justifie, la modification du loyer. L’exemple le plus fréquent de déspécialisation plénière, est le cas d’invalidité du preneur ou de départ à la retraite du locataire du bail commercial ou (ou bail 3-6-9). 

Il sera en effet autorisé à céder son bail avec un changement d’activité sauf en cas d’incompatibilité avec la destination et les caractéristiques de l’immeuble (Article. L 145-51 du Code de commerce). Il devra formuler de la même façon sa demande par acte extrajudiciaire au bailleur et aux créanciers en indiquant la nature des activités envisagées et le prix de la cession.