C’est assez drôle de constater rétrospectivement à quel point on débordait d’imagination dans les années 50 quand il était question de définir de quoi allait être fait l’avenir. Voitures volantes, voyage dans le temps, téléportation… En ce 21e siècle déjà bien entamé, nous sommes contraints d’admettre qu’aucun de ces exploits technologiques n’a été accompli
Le secteur du retail, favorable aux plus brillantes élucubrations, n’échappe pas non plus à la règle. Si les artistes rétro-futuristes des années 60 voyaient les habitants de ce troisième millénaire se promener dans des combinaisons moulantes dignes d’un personnage de Star Trek, la révolution textile du 21e siècle est bien plus qu’une affaire de coupe ou de fibres… c’est surtout une affaire de technologie !
Selon Iris Van Herpen, l’une des créatrices les plus avant-gardistes de la mode, les vêtements du « futur » existent déjà : ils sont conçus grâce à des nouveaux procédés et des matériaux directement sortis de laboratoires. Une excellente manière d’introduire le digital au cœur du textile.
De nombreux stylistes en sont également convaincus et travaillent avec des entreprises du domaine de la science et de l’innovation afin de donner vie à une garde-robe alliant style et connectivité
Vous l’aurez compris, sur le podium des objets connectés, le textile fait son entrée.
Les vêtements dits « intelligents » occupent déjà une place prépondérante depuis de nombreuses années. On estime aujourd’hui que ce marché de niche représentera un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars à l’horizon 2026. Ce qui semble beaucoup … et peu à la fois !
À l’aide de micro capteurs situés dans le tissu, ces pièces sont capables d’enregistrer et ou de réagir à un signal, un stimulus de manière adaptée. Ils permettent d’analyser différents paramètres tels que les mouvements ou encore la température corporelle et peuvent réagir selon l’environnement dans lequel on se trouve.
Les premiers prototypes étaient portés par les femmes de la “Electric Girl Company” (Une troupe de danseuses de ballet qui utilisait des tenues luminescentes dans les années 90). Elles arboraient des bijoux et des robes ornés de lumières pendant leurs shows. Puis…. plus rien jusqu’à ce que la technologie rattrape le concept.
Ralph Lauren fut un pionnier dans ce domaine lors des jeux olympiques d’hiver 2018 en Corée du Sud.
La maison avait équipé la team américaine de vestes chauffantes, déclinées en deux modèles et conçues en édition limitée encore disponibles en boutique.
L’innovation ? Et bien elle se trouve dans la commande Bluetooth via l’appli RL Heat, qui permet de maîtriser la température des vestes avec une batterie USB branchée dans la poche intérieure et de diffuser la chaleur avec une autonomie d’au moins trois heures. À noter que l’application sert également de station météo !
Un an plus tard, c’était au tour de Michael Burke, PDG de Louis Vuitton, de présenter lors de son défilé Croisière à New-York, puis au salon VivaTech à Paris, le sac connecté : « Canvas of the Future» intégrant deux écrans flexibles et tactiles (capable de diffuser images ou vidéos choisies par l’usager depuis son smartphone). Initiative suivie de près par d’autres acteurs du luxe Chanel, …mais aussi du retail comme H&M et LEVIS
Si le sujet de l’alliance possible entre luxe et technologie ne fait aucun de doute, celui de la connectivité d’une pièce de luxe reste toujours énigmatique. Le duel Silicon Valley et avenue Montaigne reste d’actualité.
Certes, certaines montres connectées sont apparues sur le marché du luxe grâce à des collaborations avec Hublot ou encore HERMES , mais en France, les considère-t-on vraiment comme des produits haut de gamme ?
De surcroît, la technologie intégrée est-elle véritablement compatible avec la notion d’intemporalité propre au secteur ?
Rappelons-le, la connectivité implique fondamentalement l’obsolescence programmée du produit.
La question qui en découle est donc la suivante : un produit connecté (et donc potentiellement obsolescent) peut-il être considéré comme un produit de luxe ?
Aujourd’hui, cela semble difficile à concevoir car nous avons grandi avec l’idée qu’un produit haut de gamme est un produit avec une durée de vie illimité et permettant de le transmettre de génération en génération.
La question est multiple en réalité puisqu’elle soulève de nombreuses autres interrogations, à l’instar du rapport à la possession VS un rapport purement expérientiel.
Evidemment, l’évolution des attentes des nouvelles générations aura un impact sur les offres à venir et chaque marché (zone géographique) n’aura pas le même avis sur la question.
Il existe d’autres résistances majeures à ce mariage entre le textile et la technologie. D’abord des limites techniques, puisque si les enjeux actuels visent à fondre les devices dans le corps, on en est encore aux balbutiements d’intégration de processeurs et d’écrans dans les textiles.
Dans cette logique, le vêtement pourrait donc prendre la place du téléphone et deviendrait l’intermédiaire idéal car porté au quotidien. Une évolution loin d’être anodine, que ce vêtement qui, au-delà de ses fonctions de protection et reflet du statut, puisse communiquer des informations !
Mais il demeure tout de même le problème du lavage…En effet, il n’est pas très compliqué de confectionner des tissus connectés seulement, parvenir à les rendre résistants à la machine, à la transpiration, au repassage, et à toute autre contrainte auquel ils doivent répondre est toute autre chose. De plus les matériaux utilisés doivent conserver leurs propriétés isolantes pour ne pas risquer de mettre en danger l’utilisateur… Beaucoup de questions qui demeurent en suspens.
Trop chers, compliqués à entretenir et encombrants, pour une utilité pas si évidente : les vêtements connectés ont de nombreux challenges à surmonter. Mais de nombreuses start-ups, y compris françaises, ont investi le créneau, éveillant l’intérêt de l’industrie textile.
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